INTERVIEW
2013
Veit Stratmann
Remarques sur L’Aquila, ville déserte
Première notice
1. Le 6 avril 2009, un séisme ébranla la ville de L’Aquila, dans les Abruzzes. Il fit 308 morts et quelque 2 000 blessés. Pour faciliter les actions de sauvetage, il fut demandé à tous les habitants qui pouvaient trouver, par leurs propres moyens, un logement en dehors de la ville de quitter L’Aquila. 35000 personnes, soit presque la moitié de la population, suivirent cette recommandation. En un très court laps de temps, le reste de la population fut hébergé dans des hébergements d’urgence, érigés en dehors de la ville et situés entre cinq et 20 km hors de ses frontières. Ainsi, quelques heures après le tremblement de terre, la ville était entièrement dépeuplée.
Les mois suivants, les hébergements d’urgence furent progressivement remplacés par des blocs d’immeubles, dont l’emplacement ne répondait à aucune planification, mais à l’unique exigence de rapidité avec laquelle des terrains pouvaient être acquis. Il en découla une dispersion aléatoire des habitants de L’Aquila dans les environs plus ou moins lointains de la ville. En même temps, il fut interdit à ces habitants, et ce de manière durable, de retourner dans leurs anciennes maisons et habitations situées à l’intérieur de la ville. Le dépeuplement de la ville et la dispersion de ses habitants se transforma ainsi en situation de longue durée.
2. Quant à une possible reconstruction ou une restauration de la ville, il fut immédiatement décidé après le séisme de sécuriser le bâti de L’Aquila et de consolider dans la ville des bâtiments entiers avec un « exosquelette ». Celui-ci permit soit d’étayer de simples édifices au moyen d’échafaudages, soit de relier entre eux des groupes entiers de bâtiments grâce à des constructions faites de poutres en métal et en bois. Cette opération fut toutefois d’une telle complexité, d’une telle précision et nécessita des matériaux si chers que ses coûts de construction, adjoints aux coûts de création des lotissements, engloutirent tout l’argent qui avait été réuni pour la reconstruction de L’Aquila. En outre, il s’avéra par la suite que l’exosquelette empêchait matériellement les habitants de L’Aquila de rejoindre leurs maisons et habitations. C’est ainsi que s’imposa physiquement l’interdiction d’habiter L’Aquila.
Par delà la protection du bâti, il fut décidé de classer des bâtiments entiers de L’Aquila pour faciliter la reconstruction ou bien la restauration de la ville. Ce classement devait permettre d’établir des priorités pour les opérations de construction et la répartition nécessaire des moyens financiers afférents.
Les catégories qui devaient sous-tendre ce classement furent, parmi d’autres, la signification de l’ouvrage architectural en matière d’histoire de l’art, son rôle dans la cohérence visuelle du paysage urbain et sa supposée pertinence pour le cohésion de différents groupes d’édifices (l’âge et l’imbrication du bâti de L’Aquila ne permettaient pas de se prononcer avec précision sur la statique des divers blocs d’immeubles).
Néanmoins, les critères qui devaient permettre de ranger les différents édifices de la ville sous ces multiples catégories ne furent jamais formulés. Ainsi – et c’est toujours le cas – aucun bâtiment n’a été classé et, en matière d’édifices publics, pour ainsi dire aucune reconstruction n’a jusqu’à maintenant eu lieu.
3. Évacuer L’Aquila, disperser ses habitants dans l’espace et leur interdire durablement de retourner dans leurs anciennes maisons et habitations sont des décisions qui ont eu pour effet de suspendre la vie dans la ville. Certes, L’Aquila existe en tant que LIEU et en tant que structure urbanistique ; elle reste largement accessible et aussi potentiellement fonctionnelle. Mais ce qui donne sens et forme à cette structure urbanistique, à savoir la vie et la temporalité qu’elle génère, a disparu. Ainsi, en déambulant dans les rues de L’Aquila, le visiteur est constamment confronté à l’impossibilité de synchroniser sa propre temporalité d’être humain avec un environnement qui semble tombé hors du temps. Le contact d’une personne avec L’Aquila engendre des ruptures, de l’incohérence et la désintégration du sens. L’évacuation durable de la ville et la dispersion aléatoire de ses habitants n’ont pourtant pas suspendu uniquement le temps sur le lieu géographique qu’est L’Aquila. La « Città », elle aussi, en tant que structure sociale, fut détruite. En Italie, la « Città » est historiquement et structurellement le noyau du politique. La désintégration de la structure sociale qu’est la ville signifie donc en même temps l’anéantissement de l’espace politique. Certes, les administrations de la ville perdurent, mais l’espace qui leur donnait forme et sens n’est plus.
Puisque le politique est, entre autres choses, l’art d’organiser le temps collectif d’une société, la désintégration de l’espace politique de L’Aquila et l’arrêt du temps (et de la vie) dans la ville sont deux facteurs interdépendants, qui se renforcent l’un l’autre et s’interpénètrent. L’Aquila se trouve dans une situation semblable à l’absence de mouvements moléculaires au stade du 0 degré kelvin.
4. Je suis allé en tant qu’artiste à L’Aquila. C’est la raison pour laquelle j’en suis arrivé à penser qu’il était de mon devoir de formuler des questions, d’initier des débats et de soulever divers problèmes dans une forme (je l’espère) adaptée et suffisamment intellectualisée. En même temps, j’étais convaincu que mon statut ne me permettait pas de formuler en dehors du cadre artistique des solutions précises à ces problèmes. Chaque tentative de cet ordre saperait la validité artistique et éthique de mon action. L’art disparaîtrait.
Une fois arrivé à L’Aquila, j’ai constaté – autant avec effroi qu’avec fascination – que la situation actuelle de la ville matérialisait d’importantes interrogations qui traversent mon travail artistique : les ruptures de sens, la porosité des frontières, les zones de flou, la position du spectateur, l’individu perçu comme personne responsable, faisant face à ses décisions et étant capable de prendre position.
5. La circonstance qui a vu L’Aquila tomber hors du temps, hors de la vie et de l’espace politique a transformé la ville en un trou noir qui attire vers lui tout le sens lié à l’environnement. Ainsi L’Aquila est une gigantesque matérialisation de cette rupture de sens que je cherche à saisir dans chacun de mes travaux. Ne pas m’intéresser à L’Aquila aurait signifié me priver d’une source d’information significative pour mon propre travail.
D’un autre côté, L’Aquila est dans une situation insupportable, et cette situation exige un changement concret et la définition d’objectifs. Pour moi, une telle entreprise comporte pourtant le risque de diriger ma pensée en dehors du cadre artistique pour trouver des solutions aux problèmes et de m’efforcer de trouver une manière de corriger l’actuelle situation à L’Aquila. Tout ce que j’entreprendrais relèverait alors de « l’action sociale ». L’art disparaîtrait.
Ainsi face à la situation de L’Aquila, j’étais comme le lièvre devant le serpent. Paralysé, je ne pouvais ni détourner mon regard, ni fuir, bien qu’il était pour moi clair que ma situation était en réalité intenable.
Mon trouble et mon malaise furent accrus alors que j’errai dans les rues de L’Aquila, constamment confronté à cette ville, devenue boîte vide hors du temps. J’avais le sentiment écrasant d’un continuel décalage temporel ou d’un lien impossible entre moi, être humain, et mon environnement. Je ressentais sans relâche mon incapacité à m’adapter, en tant qu’être social, à un contexte privé de la moindre cohérence et de la moindre structure.
6. Mon incapacité à m’adapter au contexte de L’Aquila – et les ruptures de sens générées par cette incapacité – m’ont en même temps tellement fasciné qu’il m’était impossible de ne pas vouloir faire quelque chose.
Je pourrais donc m’efforcer de combler ces vides que les structures sociales de L’Aquila ont laissés derrière elles.
Une telle approche me conduirait néanmoins presque nécessairement à proposer un correctif à la situation donnée et à trouver des solutions aux problèmes rencontrés, en dehors du champ artistique.
Ou bien je pourrais prendre la situation actuelle à L’Aquila comme point de départ de mon action et m’efforcer, avec des moyens artistiques, d’exacerber la situation dans la ville au point de faire exploser le statu quo. Dans ce cas, je pourrais être en mesure de proposer un geste artistique approprié. Seulement une exacerbation de la situation donnée serait naturellement, d’un point de vue éthique, difficilement défendable.
En outre, dans ces deux cas de figure, l’effet de mon action artistique serait quasi nul en raison de l’absence d’un public.
Finalement, il m’a semblé que la seule possibilité d’aborder la situation à L’Aquila était de commencer par dédramatiser un jargon artistique. Il fallait que je traduise les concepts d’« œuvre d’art » et d’« action artistique » par le simple terme de « geste ». Ce concept ne doit décrire rien d’autre que l’idée qu’un artiste – que je suis – produit des formes. Le concept est également suffisamment vague pour être utilisé en lien avec L’Aquila, sans pouvoir être pris comme une tentative de trouver une solution à des problèmes sociaux ou politiques et sans donner l’impression de se proposer comme un possible correctif à la situation de L’Aquila.
Au fond, j’ai donc pour le moment seulement deux vocables pour matériau : geste et artiste. Et il faut que je donne forme à la relation entre ces deux concepts, que je les mette en tension. Je me trouve à vrai dire dans une situation semblable à celle de Vil Coyote, ce personnage de Chuck E. Jones, qui en pleine chasse au Bip Bip se retrouve au bord d’un canyon, veut sauter de l’autre côté, agite les pattes au-dessus du précipice béant jusqu’à ce qu’il remarque qu’il est en suspens dans l’air. Puis, il tombe à pic.
Pourtant, cette impossible position semble être mon unique point de départ possible.
Seconde notice
1. La suspension du temps et la désintégration de l’espace politique à L’Aquila, conséquences du tremblement de terre du 6 avril 2009, transformèrent la ville en non-lieu. À la place de la ville s’offrait un trou noir. Et ce trou noir aspira la signification de la ville, il avala chaque soupçon de cohérence, d’organisation et de structures sociales. Puisque la société elle-même avait été aspirée, il ne restait de la VILLE L’Aquila rien d’autre qu’une boîte vidée de son contenu, sans vie et privée d’une temporalité normale, maintenue en sécurité grâce à une présence militaire et policière. La VILLE L’Aquila n’est plus. Ce qui en reste est une non-ville (au sens où la langue allemande parle de « non-morts » pour évoquer les morts-vivants).
Dans cette non-ville, un « geste artistique » serait l’unique « autre ». Il serait l’unique référence à la vie et l’unique point de repère pour l’écoulement du temps. Soit il ferait écho à tout ce que le trou noir a aspiré, soit il serait comme une prothèse qui cherche à remplacer la vie et le temps dans la ville. Mais, de par sa nature, un « geste artistique » ne peut rien remplacer – de sorte qu’il est justement impossible que sa fonction de prothèse d’un « geste artistique » à L’Aquila puisse être de l’art. Chaque geste artistique dans la ville morte de L’Aquila se trouve donc dans une insoluble contradiction. En tant qu’ART, il est et reste vivant – du moins est-il une trace de vie. Mais en tant qu’ART À L’AQUILA il est, malgré son intrinsèque vivacité, sans vie et sans fondement. Un geste artistique à L’Aquila deviendrait « zombie », comme la ville elle-même.
2. Puisque je ne peux pas éviter le cheminement intellectuel décrit jusqu’ici, il faut que j’accepte que ce que j’appelais dans la première notice « la mise à distance du drame et du pathos », n’a pas suffi et que la relation entre les deux concepts « geste » et « artiste » doit être repensée. Puisque, malgré ce premier échec, la situation de la non-ville de L’Aquila continue de me fasciner et que je souhaite toujours FAIRE quelque chose, il faut que je trouve une possibilité de résoudre ce dilemme.
Finalement, il m’a paru clair qu’il fallait étendre les liens entre les concepts de « geste » et d’« art » pour pouvoir alors les relier à la non-ville. Leur dualité originelle se transforme alors en relation triangulaire entre « geste », « art » et « non-ville ».
Certes, cette relation triangulaire ne permet pas de créer une « œuvre d’art » à L’Aquila, mais elle m’autorise à moduler la relation entre les différents composants de ce triangle et d’évaluer différemment les éléments en présence. Ainsi, je peux faire une multitude de liens entre les divers éléments et établir différentes mises en tension. Finalement, je peux au moins faire quelque chose.
3. Pour le moment, deux possibilités d’action se dégagent de la modulation du triangle.
D’un côté, je peux créer en dehors de L’Aquila une forme qui se rapporte à L’Aquila et dont l’origine artistique est sans équivoque. Cette forme peut aisément être comprise comme une opposition et un correctif apporté à la situation de L’Aquila. Si cette forme était installée dans l’espace public de L’Aquila, alors ce déplacement deviendrait immédiatement une action sociale et l’art disparaîtrait, ou bien la forme se transformerait immédiatement en « zombie ». En fin de compte, une telle forme ne serait efficiente qu’en dehors de L’Aquila.
D’un autre côté, je peux intervenir physiquement dans cette boîte vide et sans vie qu’il reste de L’Aquila. Mais pour qu’un tel geste ne devienne pas l’« autre », l’origine artistique de cette intervention doit pouvoir ne pas être perceptible et il faut que son résultat s’adapte à son environnement de manière plausible, ou du moins discrètement.
Puisque la structure sociale de L’Aquila est dissoute, un tel geste à L’Aquila ne peut être efficient que s’il se rapporte exclusivement à la structure architectonique et urbanistique de la ville, à sa matérialité, partant du constat de ce qui est là et devient instrument de mesure.
Mais si je mesure, je définis un cadre de possibilités et, à l’intérieur de ce cadre, je produis inévitablement une forme. Chaque forme née d’une mesure a néanmoins une raison d’être et ne peut donc pas être dénuée de signification. Mais une signification qui est n’est pas voulue par la force des choses, mais qui émerge toutefois de manière inévitable, est alors seulement une sorte de sous-produit, un parasite. L’idée d’une signification parasite peut vraiment avoir sa place dans la non-ville de L’Aquila. Elle peut même être plausible dans le contexte donné.
Troisième notice
Un compteur
Quelques prémisses :
Une intervention artistique à L’Aquila ne peut être pensée en fonction de sa réception par un public – parce qu’il n’y a pas de public. C’est la raison pour laquelle elle ne peut pas tirer sa légitimité du fait qu’elle soit extraordinaire. Elle ne peut se constituer en tant qu’« œuvre d’art ».
Une intervention artistique à L’Aquila ne peut ni formuler des questions, ni faire des propositions, parce que personne n’est là, personne qui puisse prendre connaissance de ces questions ou propositions.
Une intervention artistique à L’Aquila ne peut alors être efficace que si elle est en même temps discrète et plausible dans son environnement. La question de son origine artistique ne doit pas se poser.
Une intervention artistique à L’Aquila ne peut être efficace que si elle peut exister sans les prérogatives d’une œuvre d’art. Il faut qu’elle ait une « fonction objective » dans la ville. Il faut que cette fonction soit indépendante de la présence d’un public.
Une intervention artistique à L’Aquila ne peut pas être pensée pour améliorer la situation dans la ville. Améliorer suppose que les informations puissent circuler. Or il n’y a pas de public qui puisse percevoir ce flux d’informations.
Description
Des barrières lumineuses sont installées au niveau des 70 points d’accès au centre-ville de L’Aquila. Avant le tremblement de terre de 2009, ce centre était la zone la plus densément peuplée et le noyau social de la ville.
Les barrières lumineuses se composent de deux rayons parallèles qui sont installés à une hauteur de 120 cm au-dessus du sol et à une distance de 150 cm l’un de l’autre.
Ce redoublement des barrières lumineuses permet d’observer dans quelle direction une personne se déplace et si elle entre dans le centre-ville ou si elle le quitte. Ainsi sont comptabilisés tous les franchissements des barrières lumineuses, et donc le nombre de personnes qui se déplacent vers le centre-ville ou se dirigent vers l’extérieur. On peut ainsi savoir à tout moment combien de personnes se trouvent dans le centre-ville.
L’installation des barrières lumineuses à hauteur de 120 cm au-dessus du sol empêche que les animaux errants soient également comptabilisés, en particulier les chiens, très nombreux en centre-ville.
La distance de 150 cm entre les deux rayons des barrières lumineuses permet de faire la différence entre les personnes et les véhicules. En effet, les personnes ne peuvent pas, dans cet espace donné, franchir les deux rayons au même moment, alors que les véhicules le peuvent. Dans la mesure où, depuis 2009, les véhicules dans L’Aquila appartiennent en grande majorité au corps militaire et à la police et que, la plupart du temps, ils sont occupés par deux personnes, dès qu’ils franchissent les barrières lumineuses, deux personnes sont comptabilisées.
2. Sur un moniteur est signalé en temps réel le nombre des personnes qui demeurent un instant donné dans la zone délimitée par les barrières lumineuses.
Ce moniteur est installé dans le gazébo, un petit pavillon transparent fait de verre et de bois, qui faisait office de jardin d’hiver pour la boulangerie la « Dolce Vita ». Le gazébo se situe à l’angle d’une petite place où se croisent les Vie Picco Doca, San Crisante et Tre Maria. Cette place se trouve à l’intérieur de la zone délimitée par les barrières lumineuses, mais elle est sensiblement éloignée du Corso Vittorio Emanuele, l’ancienne artère commerçante de L’Aquila.
Le fait que le gazébo se trouve à distance des principaux et traditionnels flux de circulation contribue à le rendre anodin. Il peut complètement passer inaperçu. En outre, le gazébo n’a aucune valeur symbolique particulière à même de conférer au moniteur une quelconque signification.
Les chiffres lisibles sur le moniteur ne décrivent qu’objectivement et quantitativement une donnée, en soi accessoire, dans la situation momentanée de L’Aquila.
En outre, rien ne témoigne de l’origine artistique du moniteur. Il est simplement là, sans aucun commentaire.
3. En raison de son isolement géographique, le moniteur peut ne pas être remarqué. Pour le lire, plusieurs décisions sont nécessaires. Tout d’abord, il faut qu’une personne décide d’entrer dans la zone circonscrite par les barrières lumineuses et de quitter la rue principale. Si elle atteint alors l’emplacement du gazébo, il faut qu’elle décide de s’arrêter un certain temps devant le moniteur pour pouvoir lire les chiffres changeants.
Si une « décision » est le plus petit degré de l’action politique, alors le choix d’entrer dans la zone délimitée par les barrières lumineuses et de prendre le temps de lire les chiffres changeants sur le moniteur, peut être lu comme l’apparition fugace d’une action politique individuelle et, par là même, comme une brève étincelle du politique lui-même.
Les chiffres sur le moniteur ne s’adressent ni à un collectif, ni à un individu. Ils montrent seulement qu’un nombre précis de personnes, à un moment précis, demeure dans une aire délimitée et, de facto, forme un groupe. Mais étant donnée la situation géographique du moniteur, chaque personne qui le lit est elle-même partie prenante de ce groupe et consciente de l’être. Et puisqu’elle en est consciente, germe ainsi en chaque personne qui découvre le moniteur – au moins à court terme – la graine d’une société.
P.S. : Pour pouvoir installer les barrières lumineuses et le moniteur, il faut l’accord des autorités municipales de L’Aquila. Si cet accord est donné, il y a volonté politique. Les barrières lumineuses et le moniteur sont dès lors superflus.
Quatrième notice
Quelques remarques sur des images vides
1.1 Le 6 avril 2009 la ville de L’Aquila dans les Abruzzes a été touchée par un tremblement de terre. 308 personnes ont été tuées et au moins 2000 blessées. Pour faciliter les opérations de sauvetage, dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre, on a demandé à tous les habitants qui pouvaient se loger par leurs propres moyens en dehors de L’Aquila, de quitter la ville. 35000 personnes, presque la moitié des habitants de L’Aquila, sont ainsi parties.
Pour ceux qui n’avaient pas cette possibilité, très vite des campements provisoires ont été construits sur de terrains réquisitionnés entre 5 et 20 km du centre ville.
Afin de sécuriser la ville et pour répondre à l’impossibilité de vérifier la solidité de chaque immeuble et chaque pâté de maisons et enfin pour préparer une éventuelle reconstruction de la ville, les bâtiments de L’Aquila ont été systématiquement renforcés par un exosquelette très complexe et très coûteux qui a englouti une grande partie des fonds mis à disposition pour la reconstruction et la consolidation de la ville.
À cause de ces mêmes incertitudes sur l’état structurel des différents bâtiments de la ville, on a interdit aux habitants de L’Aquila de rentrer dans leurs anciens foyers. Cette interdiction a été déclarée provisoire, mais elle est toujours en vigueur. De fait il fut très vite évident que « l’exil » des habitants de L’Aquila allait durer très longtemps, précisément parce que la construction de l’exosquelette avait absorbé une part considérable des fonds destinés à la reconstruction de la ville.
Quand, dans un deuxième temps, la ville de L’Aquila refusa la proposition du gouvernement Berlusconi de construire un nouveau centre ville sur un terrain en friche proche du centre historique de la ville, surgit une situation d’urgence. Comme ce refus était intervenu très tard dans l’année, il y avait urgence à protéger les habitants des campements de l’approche de l’hiver. De grandes surfaces de terrain furent ainsi acquises en toute hâte pour y construire des logements. Pour l’emplacement et le choix de ces terrains, le critère décisif était leur disponibilité immédiate. Le prix d’achat n’a joué aucun rôle. Ainsi l’emplacement des différentes cités de logements autour de L’Aquila repose sur le simple hasard des acquisitions : il n’y a aucune cohérence ou interconnexion entre les différents sites.
Après l’acquisition des terrains, un appel d’offre a été émis pour la planification des bâtiments et pour les systèmes de protection antisismiques. Mais la décision d’attribution de ces marchés n’a pas été prise par les autorités locales ou régionales, mais par l’administration centrale italienne qui a fait reposer sa décision sur le seul système de protection antisismique. Lors du choix final, c’est le système de protection antisismique le plus coûteux - mais pas forcément le plus efficace – qui a été choisi. Comme les décisions importantes étaient prises loin de L’Aquila avec comme premier déterminant la protection antisismique, la planification des espaces d’habitations à proprement parler est passée au second plan. Le coût du système de protection antisismique, combiné avec la construction des logements, a absorbé le reste de l’argent prévu pour la reconstruction de la ville. Ainsi les constructions provisoires devenaient de facto des installations permanentes qui continuaient d’être portées par l’idée du provisoire. Est ainsi apparue autour de L’Aquila une multitude de lieux d’une pérennité provisoire, des interstices à la fois spatiaux et temporels, dans lesquels il était clair qu’on allait vivre pour une durée imprévisible mais dans lesquels on ne pouvait installer une vie.
1.2. Pour masquer l’incohérence des choix ayant présidé à la construction de ces cités ainsi que l’absence de tout lien avec la structure urbanistique de L’Aquila et du paysage entourant la ville, il a fallu trouver une justification à leur construction. On a donc, pour les désigner, inventé un acronyme à partir du mot italien case (maisons) : C.A.S.E. = Costruzioni antisismiche e ecocompatibili (Constructions antisismiques et écocompatibles). Sans abandonner officiellement l’idée du provisoire, cet acronyme permettait d’attribuer à ces nouvelles cités une durabilité et une légitimité supérieure à celle des immeubles de la vieille ville de L’Aquila – qui évidemment n’avaient été pensés en termes d’écocompatibilité. En même temps cet acronyme permettait de continuer à envisager « l’exil » des habitants de L’Aquila comme provisoire, toute en attribuant à la permanence de cet « exil » une notion positive - habiter dans les C.A.S.E. constitue un acte de responsabilité. Par l’invention de l’acronyme C.A.S.E. les interstices temporels autour de L’Aquila étaient installés de façon permanente.
D’ailleurs, un seul chiffre apparaît en permanence dans le discours autour des C.A.S.E. : 30 ans. Ce chiffre est cité à chaque fois qu’il faut donner une perspective pour le début des travaux de reconstruction à L’Aquila. Mais 30 ans constituent aussi le nombre d’années définissant un changement générationnel ¬ et rendent donc forcément toute planification actuelle caduque. Les C.A.S.E. glissent hors temps.
2.1. La « Città » est le cœur de la politique et de la société italienne. Ainsi, l’évacuation de L’Aquila valait pour ses habitants la destruction de leur espace politique et des structures sociétales de la ville.
La construction des C.A.S.E. et leur implantation aléatoire dans les alentours de L’Aquila a fait de l’atomisation de la société un principe de structuration paysagère auquel les habitants de L’Aquila ne peuvent pas échapper.
2.2 En même temps, à l’intérieure des C.A.S.E. n’existe aucune structure recréant de la cohérence sociale – telle des commerces, des restaurants, des infrastructures médicales ou des espaces de loisir. Ainsi l’atomisation de la société, la dissolution des rapports sociaux et l’impossibilité de développer une identité en concordance avec un lieu de vie devient un principe « structurant » au sein des C.A.S.E.. Il n’existe aucun espace politique ou social dans les C.A.S.E..
De plus, il n’y a aucune connexion par transports publics entre les différents sites des C.A.S.E. ou entre les C.A.S.E. et L’Aquila. La voiture est alors le seul moyen de transport permettant d’ouvrir les C.A.S.E. au monde. Seulement, la structure démographique est telle que la majorité des habitants des C.A.S.E. sont des gens âgés qui ne peuvent plus utiliser de voitures. Aussi à cause de à leur âge ils ne quittent que très rarement leurs logements. Ainsi, malgré le fait que les C.A.S.E. soient habités, il n’y a quasiment pas de vie visible ni d’échanges sociaux. Les C.A.S.E. n’ont pas seulement glissés hors du temps, elles sont aussi en dehors de l’espace politique et social.
3.1. J’ai visité des C.A.S.E. lors de mon deuxième voyage à L’Aquila en décembre 2012. J’avais entrepris cette visite sur proposition d’une amie architecte et urbaniste qui souhaitait en établir une documentation photographique pour un séminaire avec ses étudiants. Pour passer le temps j’ai pris aussi des images de mon coté.
Ce qui m’a étonné lors de notre périple était l’absence totale d’impact visuel ou esthétique des C.A.S.E.. Malgré leur présence physique très forte elles étaient comme absentes. Je pouvais bien les voir mais je ne pouvais pas les regarder ou les contempler – comme on contemple une forme. Dans le roman Le Scarabée dans la fourmilière des frères Strougatsky apparaît le peuple des « pèlerins », qui en cas de danger disposent de la capacité de se replier en eux mêmes et de fuir. De la même façon les C.A.S.E. semblent se replier sur elles-mêmes et disparaître.
Quand plus tard j’ai regardé les images prises lors de mon périple avec Virginie Lefebvre, je fus étonné de constater à quel point elles étaient vides. J’avais l’impression de ne rien voir – bien qu’elles soient pleines d’informations visuelles. Il me semblait même que les images, comme les C.A.S.E., se repliaient sur elles-mêmes – comme si leur vide les aspirait en elles mêmes. Et j’étais encore plus étonné du fait que cette rétractation des images sur elles-mêmes semblait se répandre sur l’espace environnant. L’espace dans lequel étaient montrées les images semblait disparaître avec elles.
4. Il est probable que le vide des images découle de la posture ambiguë dans laquelle je me trouvais. Au fond, les C.A.S.E. ne rentraient pas dans le cadre initial de mes réflexions et mes travaux sur L’Aquila. Mais, une fois sur place il m’a été impossible de ne pas les photographier, car le ralentissement du temps et la dissolution de cohérence qu’elles imposaient à leur environnement m’ont trop fortement fasciné pour ne rien en faire. Mais en même temps je ne cessais de me convaincre en les photographiant que je ne prenais ces images que pour des raisons de documentation et non par pure fascination. Je pense que je voulais me protéger moi même d’un soupçon de voyeurisme.
C’est peut-être la superposition de ces deux attitudes incompatibles – attraction par pure fascination et distance documentaire – qui a neutralisé et vidé les images dès le moment de leur prise. Mais il se peut aussi que les C.A.S.E, lors de leur rétractation visuelle sur elles-mêmes absorbent tout regard porté sur elles – tel un trou noir absorbe la lumière - et que cette force d’absorption ne laisse rien échapper. Alors les photographies des C.A.S.E. sont des non-images, désespérément vides. Mais il se peut aussi que les images, comme les C.A.S.E. elles- mêmes, absorbent les regards des spectateurs. Elles sont alors vides, car elles ne peuvent pas être regardées.
cinquième notice
Yarnstorming
Lorsque je voyage, je fais très peu de photographies. Je ne fais d’images que si une situation, un endroit ou un sujet provoquent en moi un étonnement tel, que j’ai envie de le partager avec d’autres.
À L’Aquila un tel étonnement m’a saisi lorsqu’à l’occasion de mon premier voyage au printemps 2012, j’ai vu des éléments de tricot ou de crochet parsemés dans la carcasse de la ville. J’ai découvert des napperons, des maniques et autres ouvrages semblables, noués et cousus ensemble et couvrant, telle une peau, les éléments les plus divers de l’espace urbain - des panneaux de circulation, des bancs, des rampes d’escalier ou des escaliers entiers, des poteaux, des piliers et des éléments de façade de bâtiments, des cabines téléphoniques, des kiosques à journaux, des barrières de chantier, des mains courantes ou même des troncs et des branches d’arbres.
À mon retour, me souvenant de cette fascination initiale et immédiate, j’ai trié mes documents sur L’Aquila en rassemblant les images représentant les ouvrages en tricot ou crochet trouvés dans la ville. Ces photographies ainsi juxtaposées, renvoyaient certes l’une à l’autre, représentant des éléments de tissu étonnants, en conflit avec leur environnement, matériellement semblables et probablement issus d’une même action. Pourtant, le rapprochement des images ne générait aucun renforcement mutuel, aucune dynamique supplémentaire, aucun propos collectif décelable. Les images, bien que structurées autour d’un même sujet, restaient muettes et isolées les unes par rapport aux autres. Et ce silence, cet isolement, cette absence de dynamique supplémentaire était d’autant plus curieux que les ouvrages textiles donnaient, au moins dans le contact direct et matériel, l’impression de porter un propos social et politique et semblaient vouloir faire réapparaître, au moins symboliquement, un tissu social à L’Aquila.
L’absence d’interaction entre les images, leur silence et l’impossibilité d’y déceler un éventuel propos social et politique transformaient les photographies rassemblées en un simple catalogue de formes. Se posait alors la question des raisons d’une telle réduction du contenu possible des ouvrages textiles dans leur présentation en photo. La seule explication envisageable réside dans le fait que l’isolement des ouvrages, conséquence inévitable de leur mise en images, souligne une absence de cohérence globale, un flou déjà constaté lors des prises de vue. Et ce flou provenait du fait qu’un grand nombre de données conditionnant les ouvrages textiles étaient – et restaient - inexplicables. Ainsi, il était difficile de saisir pourquoi tel objet textile se trouvait à tel endroit, pourquoi il avait telle forme et pourquoi un certain élément urbain était couvert d’une peau en laine alors qu’un autre ne l’était pas. Il était impossible de comprendre s’il existait une connexion entre les différents endroits et éléments, si les éléments étaient censées créer une image globale, matérialiser un territoire ou s’ils devraient simplement être regardés comme des gestes individuels. Et s’ils étaient sensés désigner un territoire, il était impossible de comprendre si derrière cette question se cachait une revendication du pouvoir politique. Difficile aussi de déterminer si les objets textiles devraient être lus comme des gestes de protestation, des commentaires ou d’étranges tentatives d’humaniser un environnement où l’homme est absent.
Certes, dés mon retour de L’Aquila j’ai découvert que le recouvrement et l’habillement d’éléments dans l’espace urbain n’était pas si extraordinaire que je l’avais pensé. Il s’agissait simplement de la forme locale d’un type d’intervention dans l’espace public qui trouvait son origine à Houston au Texas et se répandait depuis 2005 sous des noms tels que Rough Knitting, Yarnstorming, Yarnbombing, Guerrilla Knitting, Kniffiti, Urban Knitting ou Graffiti Knitting. Cette forme d’intervention consiste à couvrir entièrement ou partiellement certains éléments de l’espace urbain avec des ‘peaux’ en tricot. À L’Aquila, ces peaux tricotées ou crochetées en un seul morceau étaient remplacées par des assemblages de morceaux de tricots ou de crochets cousus, noués ensemble ou simplement juxtaposés, sur les surfaces les plus diverses. J’appris aussi qu’on attribuait l’initiative de cette forme d’action dans l’espace urbain à Magda Zayeg, propriétaire d’un magasin de laine à Houston qui un jour a recouvert la poignée de la porte d’entrée de sa boutique d’une enveloppe en tricot. Je dois cependant avouer que je n’avais pas porté une attention particulière à cette filiation, pas plus que je n’avais envisagé qu’elle ait pu éventuellement influer sur le statut de mes images.
Par la suite, en poussant la comparaison de mes images et leur analyse, et en me renseignant davantage sur l’histoire du Yarnbombing, Guerrilla Knitting, Kniffiti ou Graffiti Knitting, je suis tombé sur le terme créé par Magda Zayeg pour désigner son premier objet: un ‘cozie’. La mission du Yarnbombing était ainsi définie : « to make street art a little more warm and fuzzy ».
Du coup je me trouvais devant une contradiction fondamentale. « Cozy », « cosiness », « fuzziness » sont des termes qui relèvent de l’espace intime, privé et donc par nature non-politique. Mais les gestes du Yarnbombing sont néanmoins exécutés dans l’espace public donc politique et social. Ainsi les ouvrages du Yarnbombing sont, par leur origine et par leurs revendications, antinomiques avec le statut du lieu de leur réalisation. À partir de cette incompatibilité trois constats peuvent être faits, tous trois potentiellement applicables à L’Aquila mais inconciliables entre eux.
Le premier constat est que les actions du Guerilla Knitting ou Kniffiti ne sont pas à la hauteur de leurs propres revendications: elles ne rendent en rien leur environnement plus chaleureux. Elles souffrent de la pluie et du vent, se salissent, se déchirent et finissent tout simplement par disparaître.
Le deuxième constat est que les revendications portées par les actions du Yarnbombing et le statut de l’espace dans lequel elles s’inscrivent, s’annulent mutuellement, générant ainsi un troisième espace, sans statut, un espace zombi.
Le troisième constat est que les ouvrages du Yarnbombing, à travers les notions de cosiness et fuzziness, tentent d’imposent à leur environnement le primat du privé et de l’intime sur le politique et le social. Dans ce cas, la présence d’un geste du Yarnbombing redéfinirait l’espace public qui l’entoure, le transformant en un espace privé, intime, un environnement au sein duquel seuls les intérêts privés - et donc aussi ceux de la propriété et de l’économie privée - vaudraient pour référence.
Si l’on se réfère au premier de ces constats, les gestes du Yarnbombing ne mèneraient à rien et ne consisteraient qu’en de vains efforts – surtout à L’Aquila. Dans les deux autres cas, le Yarnbombing conduirait à la décomposition de l’espace social et politique, à la dissolution de la société et à l’abolition de la figure du citoyen dans le sens où celui-ci se définit par rapport à son implication dans l’espace politique et social. Il renforcerait alors le phénomène de disparition de la sphère politique et sociale, intervenu à L’Aquila avec le tremblement de terre, et la transformation de la ville en zombi. Le troisième constat témoigne de la possibilité de soumettre par voie de conséquence la ville zombi à la seule emprise des intérêts privés et ainsi de l’économie privée.
Regardant alors les images encore plus précisément et à travers le filtre de ces trois observations, je me suis rendu compte que les ouvrages du Yarnbombing ne couvraient jamais de logos d’entreprises ou autres signes de la propriété privée. Même si des objets tels que des cabines téléphoniques ou des barrières de chantier étaient entièrement recouverts, les signes de propriété étaient contournés. Aussi, me suis-je rendu compte que les ouvrages du Yarnbombing pouvaient être enlevés de leurs structures portantes sans y laisser de traces, sans intervenir physiquement sur elles et sans les altérer matériellement. Et ceux de L’Aquila pouvaient l’être encore plus facilement que sur d’autres sites de Yarnbombing, car les éléments de L’Aquila consistaient en un assemblage de petits éléments aisément séparables et non pas en de grandes surfaces qui doivent être laborieusement découpées.
Même s’il est admissible d’envisager les ouvrages du Yarnstorming à L’Aquila comme des tentatives de recréation d’un tissu social et donc d’un espace politique, de fait, ils sont agencés dans le respect et la reconnaissance du primat de l’économie privée sur la carcasse de la ville. Les ouvrages du Yarnbombing à L’Aquila ne constituaient donc pas des éléments d’ouverture de débat, mais véhiculaient une affirmation qui fermait toute discussion. Et les images qui représentaient les ouvrages confortaient cette affirmation.
Du coup mes photographies du Yarnbombing à L’Aquila portaient une triple contradiction. La première étant immédiatement générée par l’incompatibilité du « mission statement » du Yarnbombing et de l’espace ou il est effectué. Venait ensuite la contradiction existant entre le message que les ouvrages du Yarnbombing à L’Aquila suggéraient lors d’une rapide première lecture et celui que ces mêmes ouvrages portaient après observation attentive et analyse. Et enfin, la contradiction reposant sur le fait que mes photos, ayant été prises par un artiste, auraient dû constituer un outil d’ouverture de débat alors qu’elles ne provoquent rien d’autre que la fermeture de toute discussion.
Entre ces trois contradictions, ou incompatibilités, les images se dissolvent d’elles mêmes. Elles produisent un « ne pas », une absence présente comme l’absence présente de la ville où elles furent prises. Elles ne constituent pas seulement des représentations de cette absence présente, de la rupture de sens et de la cohérence à L’Aquila - elles en sont des morceaux, des molécules ou même des métastases.